A l’occasion de la Journée internationale des droits de la femme, la présidente de l’ONG TEDHELTE, Mme Naomi Binta STANSLY, également vice-présidente du Réseau des Organisations pour la Transparence et l’Analyse Budgétaire (ROTAB), a bien voulu accordé une interview à votre Journal. Dans cet entretien, la présidente de l’ONG TEDHELTE a évoqué différents aspects liés aux conditions de vie et aux droits de la femme dans notre pays. Mme Naomi Binta STANSLY a aussi fait cas des principales préoccupations auxquelles les femmes continuent de faire face en milieu rural. Lisez plutôt :
LA FLAMME : - Quelles sont les différentes formes de violations des droits de la femme que vous constatez au Niger ?
Mme Naomi Binta STANSLY : A mon avis, les violations des droits de la femme sont d’ordres socioculturel et économique ici au Niger. Si vous prenez la femme rurale, elle est plus soumise à certaines formes de violation de droits que la femme urbaine. Cela ne veut pas dire que la femme urbaine n’est pas victime d’autres formes de violation de droit. Par ailleurs, il y a des contraintes économiques, des aspects qui sont en lien avec la pauvreté. Si aujourd’hui la femme est de mœurs faciles, c’est parce que la pauvreté a toujours un visage féminin. La femme est surtout soumise à d’énormes charges familiales. Aujourd’hui, au niveau de Niamey par exemple, la femme travaille du matin au soir. Un homme, quand il revient de son lieu de travail, il peut se reposer, aller faire du sport, se détendre, écouter des informations ou se cultiver ailleurs, tandis que la femme, une fois de retour à la maison, c’est le moment de cuisiner, de faire le ménage, de s’occuper des enfants, entre autres occupations. On estime que les travaux familiaux sont à la charge de la femme, elle n’a même pas le temps de se cultiver davantage. Quant à la femme rurale, elle travaille de 6 heures à 22 heures, parfois au-delà. Elle doit réveiller les enfants, les préparer pour l’école, préparer le petit déjeuner, aller au puits, revenir préparer le déjeuner et le diner. Tout ceci va lui prendre énormément de temps. Ainsi, contrairement à l’homme qui a une certaine liberté, la femme n’a pas assez de temps pour pratiquer le sport, se cultiver, ou même mener une activité économique. Aussi, malgré l’évolution des droits de la femme, il y a toujours sur le plan socioculturel, beaucoup d’aspects néfastes qui continuent d’entraver l’évolution de la femme telle que consacrée par ses droits. L’islam a également mis la femme au devant en lui conférant beaucoup de droits, mais il y a des plaisantins socioculturels qui, dans la pratique, refusent d’accorder ces droits islamiques dont la femme doit bénéficier. Quand nous prenons l’exemple sur l’héritage, il est indiqué que la femme a droit à une part qui correspond à la moitié de celle de l’homme, cependant, en ce qui concerne l’héritage de la terre, l’on refuse dans certains endroits d’octroyer à la femme la part qui lui revient de droit car l’on estime que la terre héritée par la femme va quitter la famille initiale pour être possédée par une nouvelle famille. Ces genres de violations de droits continuent de peser sur la femme et la situation n’évolue pas en faveur de cette dernière comme cela se doit.
Déjà, il faut rappeler que le Niger est dernier en termes d’Indices de Développement Humain (IDH). Et cela constitue un problème qui pèse sur l’ensemble de la population, homme ou femme et de n’importe quel âge, de n’importe quel milieu, à travers notamment les difficultés liées à l’accès aux services sociaux de base dont l’éducation, la santé, l’eau potable, l’alimentation de quantité et de qualité, entre autres. Il y a des endroits où on ne peut même pas trouver un dispensaire et au niveau des centres de santé disponibles dont les hôpitaux, il y un défaut de personnel en quantité et en qualité. Ces services élémentaires auxquels l’être humain a droit font déjà défaut dans notre pays, à cause de la pauvreté. Dans cette situation, la femme souffre encore beaucoup plus que l’homme à bien d’égards. C’est la femme qui donne la vie, c’est la femme qui s’occupe du foyer, c’est la femme qui s’occupe des enfants. Elle n’est pas dans les conditions de s’acquitter de tous ces devoirs, mais elle les exécute quand même. Pour mois ce sont des violations de droits flagrantes qui s’observent un peu partout, surtout en milieu rural. Par ailleurs, aujourd’hui dans les centres urbains on célèbre la journée internationale des droits de la femme, mais qu’est-ce que la femme rurale pense de cette journée ? Est-ce qu’elle est même au courant qu’il y a une journée dédiée à ses droits ? Ce n’est pas évident ! Même aux alentours de Niamey, si vous faites un tour vous allez constater que beaucoup de femmes ne savent même pas qu’il y a une journée internationale dédiée aux droits de la femme.
La Flamme : Quel est le potentiel dont dispose la femme en matière de développement durable ?
Mme Naomi Binta STANSLY : - Ecoutez ! Nous, nous travaillons avec des groupements féminins ; moi je sais que les femmes se battent dans leurs sphères de responsabilité. Dans les centres urbains, vous allez trouver des femmes qui s’organisent, qui se battent pour améliorer leurs conditions, les conditions de leurs familles. Aussi, même dans les communes les plus reculées du Niger, les femmes s’organisent pour se battre ensemble. A cet effet, je pense aux groupements féminins, aux ‘’foyandi’’, à toutes ces initiatives destinées à améliorer les conditions de la femme rurale, de la femme urbaine, aussi bien sur le plan sociale que sur le plan politique. Et, des années 90 à nos jours, beaucoup de choses ont été faites par la femme nigérienne. A l’échelle internationale, les choses ont également beaucoup évolué concernant les droits de la femme, par rapports aux textes visant à mettre la femme dans des conditions de vie acceptables. Quand la femme gagne, c’est toute la communauté qui gagne parce que la femme, quand elle cherche, elle cherche pour elle-même, elle cherche pour sa famille, elle cherche pour la communauté.
La Flamme : - Quelle est la place de l’accès à la terre en matière de l’autonomisation de la femme rurale ?
Mme Naomi Binta STANSLY : - L’accès à la terre reste une thématique encore très difficile. En effet, au niveau de l’ONG TEDHELTE Niger, nous avons fait une étude qui a concerné les communes de Olléléwa et Gangara, dans la région de Zinder, nous y avions vue comment l’accès à la terre est très difficile pour la femme. Comme je l’ai rappelé tantôt, la loi moderne est claire sur le droit de la femme à la terre et la loi islamique octroie à la femme une part d’héritage correspondant à la moitié de la part de l’homme, mais dans la pratique les choses ne se passent pas ainsi. La femme se voit généralement refuser la part de terre qui lui revient de droit. Mais le paradoxe est que ce sont les femmes qui travaillent la terre. Les hommes travaillent la terre juste pendant la saison des pluies, parfois ça marche, parfois ça ne marche pas, et après ce sont les femmes qui se battent pour y pratiquer les cultures de maraichage dans la plupart des endroits, elles sont aussi là même pour les cultures pluviales. Dans beaucoup d’endroits, ce sont les femmes qui sont au premier rang de l’autosuffisance alimentaire au Niger. N’étant pas propriétaires de ces terres, les femmes sont doublement perdantes en perdant leurs lieux de travail ainsi que leurs outils de travail ; elles vont perdre leurs sources de revenues sans aucune compensation.
La Flamme : - Quelles sont les avancées obtenues dans le sens de l’amélioration des conditions de vie de la femme rurale nigérienne ?
Mme Naomi Binta STANSLY : - Au niveau des lois et règlements il y a eu beaucoup d’avancées, au niveau de la participation politique il y a eu également des avancées, mais ça reste encore timide par rapport au nombre de femmes. Par exemple, aujourd’hui à l’Assemblée Nationale, les femmes sont à 33,33%, ce n’est pas rien. Mais, est-ce que la femme rurale sait qu’il y a des représentantes qui sont à l’Assemblée Nationale ou au gouvernement au nom des femmes ? Le quota est donné pour faire la promotion des droits de la femme, mais est-ce qu’aujourd’hui il y a des femmes rurales qui sentent que ledit quota a changé quelque chose dans leurs vies ? Ce sont des questions auxquelles il faut réfléchir. Il faut qu’on sente que les droits de la femme sont pris en charge par les femmes élues ou nommées dans le cadre de ces quotas là. Aujourd’hui, il y a lieu de s’interroger sur ce que le quota a réellement changé à la vie de la femme rurale
La Flamme : Quelles sont les mesures à prendre pour améliorer davantage les conditions de la femme rurale nigérienne ?
Mme Naomi Binta STANSLY : - Je pense qu’il y a une politique gouvernementale par rapport au genre et par rapport aux droits de la femme. Mais nous devons regarder ce qui est dans le budget de l’Etat par rapport à certains engagements pris en vue d’améliorer les conditions de vie des femmes. En effet, la concrétisation de la politique gouvernementale liée au genre et aux droits de la femme, nécessite une inscription conséquente au budget de l’Etat, sinon cette politique restera théorique et n’aurait plus les impacts escomptés sur les conditions de vie de la femme. Dans le même ordre d’idée, on peut se demander qu’est-ce qui est fait pour promouvoir l’entreprenariat féminin ? Qu’est-ce qui est fait pour promouvoir les activités génératrices de revenues au profit de la femme rurale ? Tant que ces questions sont occultées au niveau du budget de l’Etat, il serait très difficile de changer les conditions de vie de la femme, aussi bien en milieu urbain qu’en milieu rural.
Propos recueillis par Boubacar Hamani LONTO
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On mesure l'intelligence d'un individu à la quantité d'incertitudes qu'il est capable de supporter. Emmanuel Kant