Interview du Secrétaire Général de la CDTN sur le protocole d'accord du 23-01-2023 signé avec le Gouvernement

Interview du Secrétaire Général de la CDTN sur le protocole d'accord du 23-01-2023 signé avec le Gouvernement

Monsieur le SG de la CDTN, votre centrale vient de signer un protocole d’accord avec le gouvernement, quels sont selon vous les points que les travailleurs attendent immédiatement les effets ?

Tout d’abord, je vous remercie pour l’opportunité que vous me donnez pour parler de ce protocole d’accord intervenu entre le Gouvernement et la Confédération Démocratique des Travailleurs du Niger (CDTN) sur les doléances urgentes des travailleurs.

Aussi, dois-je rappeler que c’est un processus qui a démarré en janvier 2022 entre le Comité Interministériel chargé de Négocier avec les Partenaires Sociaux (CIMNPS) et les Centrales syndicales représentatives des travailleurs sous la présidence de M. Ibrah Boukary, Ministre de l’Emploi, du Travail et de la Protection Sociale (MET/PS), Président du Comité.

Il faut toute de suite le dire, la revue des différents protocoles antérieurs a permis d’identifier six (6) doléances dites « urgentes » qui ont fait objet de négociations suite à une retraite à Bangoula.

Un certain nombre d’engagements ont été pris après ces échanges et qui sont arrivés à terme sans que la partie gouvernementale ait pu donner toutes les réponses ; ce qui nous a amené à une rencontre d’échanges autour du Premier Ministre à la demande des centrales syndicales représentatives, tenant compte des difficultés dans le mise en œuvre des engagements pris à Bangoula.

Au niveau du Cabinet du Premier Ministre, ce dernier a écouté les centrales et a pris des engagements qui venaient à terme en fin décembre 2022.

C’est sur ces préoccupations que, du reste, le Président de la République a rencontré, le 19 janvier 2023, les centrales syndicales représentatives des travailleurs et a donné des instructions sur un certain nombre de points qui doivent permettre au Centrales et au Comité Interministériel de concrétiser un accord éventuel sur les doléances dites « urgentes ».

C’est dans cet esprit que la CDTN a eu, après que les autres centrales aient quitté la table de négociations, un accord en sept (7) points avec le Gouvernement. Il faut toute de suite le dire, tout point d’accord est attendu par les travailleurs, qu’il s’agisse du paiement des incidences financières dont l’Etat a pris l’engagement à compter de cet accord de poursuivre le paiement par liste de 300 millions de francs CFA, de l’indemnité spéciale de départ à la retraite qui sera concrétisée par la révision du Statut Général de la Fonction Publique dont le Gouvernement a marqué son accord le 30 novembre 2022 et/ou encore de la mensualisation des pensions, des allocations et des prestations familiales à tous les niveaux dont le Conseil des Ministres du 29 septembre 2022 a adopté un Décret portant organisation du régime de retraite des agents de l’Etat.

Il faut le souligner, cette mensualisation des pensions des agents de l’Etat qui démarre en janvier 2023 sera généralisée en février 2023, tout comme la suppression de la contractualisation dans les secteurs de l’enseignement et de la santé. A ce niveau, nous avions pris acte de la démarche dans laquelle la Dynamique des syndicats de l’éducation et les Ministères concernés par la question sont pour élaborer un plan d’absorption de ces derniers de manière graduelle.

Un des aspects le plus important reste la question de la valorisation du point indiciaire et du Salaire Minima Garanti (SMIG). A ce niveau, une étude sur la question a été commanditée par le Ministère des Finances auprès de la Cellule d’Analyse des Politiques publiques et de l’Evaluation de l’Action Gouvernementale (CAPEG). Cet aspect fera l’objet de présentation et de discussion à la prochaine session du Conseil National de Travail.

Quant au SMIG, le Gouvernement a marqué son accord pour sa revalorisation tout en indiquant que le Patronat doit être impliqué dans le processus à travers le Conseil National de Travail.

Certainement, un des points le plus déterminants dans cet accord reste la question de l’harmonisation de la rémunération des agents de l’Etat. Le rapport du Comité étant disponible, son examen est en cours au niveau du Gouvernement et les conclusions seront transmises au plus tard le 15 février 2023 aux partenaires sociaux. A ce niveau, la CDTN exige le respect de l’échéance.

Un des derniers points et pas des moindres qui va certainement avoir un impact sur la vie des travailleurs et leur carrière tout en permettant le recrutement des agents contractuels à la Fonction Publique, reste le rehaussement de l’âge de départ à la retraite qui passe de 60 à 62 ans. Ce qui va impliquer la modification d’un certains nombre de textes législatifs et règlementaires.

Voyez-vous sur ce point précis, l’âge de recrutement qui est fixée à 45 ans pour accéder à la Fonction Publique va passer à 47 ans ; ce qui va permettre le recrutement des jeunes diplômés qui risqueraient d’être frappés par l’âge limite, tout comme les concours professionnels dont certains l’âge limite pour y accéder varie entre 47 et 49 ans, vont passer de 49 à 51 ans.

C’est pourquoi, nous estimons que la CDTN a bien fait de capitaliser ces acquis et poursuivre les négociations sur les autres points pour des meilleures conditions de vie et de travail pour l’ensemble des travailleurs Nigériens.

Est-ce que vous pensez avoir pris en compte tous les aspects ?

Un protocole d’accord marque une volonté commune de résolution d’un certain nombre de doléances que posent les travailleurs. Ces doléances peuvent revêtir plusieurs aspects à effet immédiat ou à long terme et c’est pourquoi nous estimons que l’ensemble des préoccupations urgentes du moment ont été touchées par ce protocole d’accord. Qu’il s’agisse des conditions de travail et des conditions de vie des travailleurs, notamment sur ce dernier aspect la question salariale dont personne n’ignore aujourd’hui la cherté de la vie à laquelle tous les ménages font face.

Pour certains observateurs, en acceptant de faire passer l’âge de la retraite de 60 à 62 ans, c’est comme si la CDTN n’a pas pris en compte les attentes des jeunes qui aspirent accéder à la fonction, qu’est ce que vous allez répondre ?

C’est tout à fait le contraire et c’est ce que je vous expliquais à l’entame de nos échanges que le rehaussement de l’âge de départ à la retraite vient d’abord pour corriger une rupture d’égalité constatée, car dans certains secteurs les agents bénéficient déjà de ce rehaussement d’âge dont nous pouvons citer, entre autres, la Justice, les Universités publiques, les Instituts de recherche, etc.

Les diplômés sur le marché de l’emploi également sont déjà à un âge avancé. Les contractuels sont aussi presque à la limite d’âge du recrutement. Pour toutes ces raisons et bien d’autres, le rehaussement de l’âge de départ à la retraite va permettre non seulement de pouvoir recruter ces contractuels, mais permettre à ces agents une fois recrutés de faire carrière.

Le problème des contractuels de l’éducation semble rester entier malgré votre protocole d’accord.

La question de l’éducation d’une manière générale fait objet d’une attention particulière par le Président de la République. A ce niveau, lors des échanges avec la partie gouvernementale et compte tenu du nombre important de contractuels (un peu plus de 70.000) rien qu’au niveau de l’Education nationale et tenant compte de la délicatesse de la question, les négociations vont se poursuivre avec les organisations syndicales dudit secteur. Déjà il faut signaler que le Gouvernement a pris des mesures conservatoires sur la suspension du recrutement de nouveaux contractuels et s’engage à intégrer progressivement ces derniers à la Fonction Publique en fonction de la soutenabilité des finances publiques.

La CDTN vient de signer son protocole d’accord avec le gouvernement alors que les centrales syndicales membres de l’ITN appellent à des grèves, la centrale que vous dirigez ne se sent elle pas seule ?

Merci de m’avoir posé cette question. En effet, les autres centrales vont observer un arrêt de travail ; c’est un choix mais nous, nous restons persuadés que chacun doit s’assumer par rapport à ses propres engagements. Rappelez-vous, de 2000 à 2005 en passant par 2007 et 2009, la CDTN a eu à se battre seule sur des questions qui engagent la vie des travailleurs dont entre autres ont peut retenir la question de la retraite anticipée, les rappels et incidences financières, la question de l’Impôt Unique sur le Traitement des Salaires et de s’est jamais sentie seule et les différents acquis arrachés ont été pour le grand bénéfice de l’ensemble des travailleurs.

Aujourd’hui, nous mettons en avant, tant que la situation le permette, le dialogue social comme moyen permettant de résoudre les problèmes du monde du travail. Mais cela n’exclut pas, si la situation l’exige, de faire usage de la grève comme moyen de pression, car avant tout notre Confédération compte cinquante-quatre (54) syndicats affiliés issus de divers secteurs de la vie socioprofessionnelle et économique de notre pays et par conséquent, toute action s’inscrit toujours dans une logique de concertation et participation de ces syndicats et qui, du reste, disposent des militantes et militants qui nous ont permis aujourd’hui d’être non seulement la première centrale syndicale représentative des travailleurs du Niger, mais également d’avoir une force de frappe considérable et stratégique capable à tout moment de faire face à de situations de règlement de conflit en matière de travail.

Toutefois, nous restons convaincus que le développement de notre pays passe nécessairement par la mise en avant d’un dialogue franc, sincère et durable dans ce contexte marqué particulièrement par les défis sécuritaires et économiques.

Une opportunité s’est donc offerte alors que nous étions en pourparlers avec le Gouvernement ; nous estimons que ces acquis fruits d’un long processus, doivent être consolidés et poursuivre la lutte sur les autres points des doléances.

Voilà notre vision emprunte de pragmatisme qui nous a guidés et également tenant compte des leçons des luttes passées.

Interview realisée par O Gado

 

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